Tabac et chirurgie plastique
Introduction
En France, environ 11 millions de patients bénéficient chaque année d’une anesthésie dont près de 30% de fumeurs, soit plus de 3 millions de personnes. Or, la fumée du tabac inhibe très fortement les processus de réparation tissulaire qui sont de première importance, après une intervention chirurgicale, pour assurer une bonne cicatrisation. Le tabac constitue un problème de santé publique qui prend une importance toute particulière lors de la période péri-opératoire : en effet, le tabagisme actif accroit presque toutes les complications spécifiques à la chirurgie.
La période péri-opératoire est une véritable opportunité pour générer une décision d’arrêt du tabac. Offrir une prise en charge comportementale et la prescription d’une substitution nicotinique pour l’arrêt du tabac avant toute intervention chirurgicale programmée permet d’augmenter significativement le taux de sevrage tabagique pré-opératoire.
L’arrêt pré-opératoire du tabac doit être systématiquement recommandé indépendamment de la date d’intervention même si le bénéfice augmente proportionnellement avec la durée du sevrage. Tous les professionnels du parcours de soins (médecins généralistes, chirurgiens, anesthésistes réanimateurs, soignants) doivent informer les fumeurs des effets positifs de l’arrêt du tabac et leur proposer une prise en charge dédiée et un suivi personnalisé.
Les données scientifiques sont, à l’heure actuelle, unanimes quant aux effets néfastes de la consommation tabagique dans les semaines entourant une intervention chirurgicale. Ces effets sont multiples et peuvent entrainer des complications cicatricielles majeures, des échecs de la chirurgie et favoriser l’infection des matériels implantables (ex: implants mammaires).
Qu’est ce qui est nocif dans la fumée de cigarette?
La fumée de cigarette est composée de près de 4000 substances toxiques dont quatre principales : la nicotine, le monoxyde de carbone, l’acide cyanhydrique et le monoxyde d’azote. Le monoxyde de carbone produit et inhalé avec la fumée de cigarette, génère une inadéquation entre la consommation d’oxygène et sa disponibilité au niveau cellulaire. Ainsi, ces substances vont à court terme diminuer l’oxygénation des tissus, augmenter l’inflammation locale et l’hyperviscosité sanguine. A moyen et long terme, elles vont favoriser les maladies cardiovasculaires en obstruant les vaisseaux, abimer progressivement les poumons et l’appareil respiratoire puis risquer d’entrainer des cancers. Les fumeurs de cannabis sont exposés au même risque que les autres fumeurs.
Les risques encourus?
La consommation de tabac peut être à l’origine de multiples problèmes, non seulement chirurgicaux mais aussi généraux qui peuvent allonger les durées d’hospitalisation. Le tabagisme peut favoriser les infections à la suite de l’ensemble des interventions de chirurgie plastique, notamment celles comportant des décollements tissulaires(les abdominoplasties, les chirurgies mammaires ou encore le lifting cervico-facial) mais aussi celles qui impliquent la mise en place de matériel prothétique (implant mammaire par exemple), ou la greffe de tissu adipeux. Les retards de cicatrisation et des nécroses parfois étendues de la peau sont fréquents chez les fumeurs. En chirurgie reconstructrice, les interventions comportant l’utilisation de greffes cutanées ou de lambeaux (reconstruction mammaire, couverture tissulaire par lambeau) sont à l’origine de plus de complications chez les fumeurs, notamment en microchirurgie où les vaisseaux des patients fumeurs sont moins robustes. Tous ces phénomènes peuvent concourir à un réel échec de la chirurgie simplement en raison d’une consommation tabagique.
Selon la Société Française d’Anesthésie-Réanimation (SFAR) des complications majeures postopératoires sont également directement en lien avec le tabagisme: infection profonde, complications respiratoires ou cardio-vasculaires, choc septique.
Les recommandations
La Société Française de Chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique (SOFCPRE) en accord avec la Société Française d’Anesthésie-Réanimation recommande:
1- Un arrêt pré-opératoire systématique du tabac, indépendamment de la date d’intervention. L’arrêt du tabac plus de 8 semaines avant l’intervention diminue de près de 50% les complications respiratoires. Le bénéfice de l’arrêt du tabac sur les troubles de la cicatrisation est démontré et intervient après 3-4 semaines minimum d’interruption du tabac.
Dans cette optique, la communauté des chirurgiens plasticiens s’accorde sur une demande d’arrêt complet du tabac au moins un mois avant l’intervention). La cigarette électronique doit être considérée de la même manière.
2- Que le praticien propose une prise en charge comportementale et la prescription d’une substitution nicotinique pour l’arrêt du tabac avant toute intervention chirurgicale programmée.
3- Que tous les professionnels du parcours de soins(chirurgiens, anesthésistes-réanimateurs, soignants) informent les fumeurs des effets positifs de l’arrêt du tabac et leur proposent une prise en charge dédiée et un suivi personnalisé.
4- Concernant la cigarette électronique : la Haute Autorité de Santé, suite au rapport sur la cigarette électronique du Public Health England a rendu un avis récent constatant que les données connues sur l’efficacité et l’innocuité de la cigarette électronique sont encore insuffisantes pour la recommander dans le sevrage tabagique. Néanmoins, nous suggérons de ne pas décourager l’usage de la cigarette électronique avant une chirurgie programmée chez les patients l’utilisant déjà dans le cadre d’un sevrage tabagique en cours et chez ceux refusant l’utilisation des autres substituts nicotiniques. La cigarette électronique sans nicotine est une solution qu’il convient de proposer. En revanche, l’utilisation de la cigarette contenant de la nicotine doit être apparentée à une consommation tabagique en pré-opératoire.
le problème de la sous-évaluation
Par crainte d’un refus de la chirurgie ou par honte, certains patients ne déclarent pas leur tabagisme au chirurgien lors de la consultation pré-opératoire. li s’agît là d’un phénomène difficile à évaluer mais qui peut être potentiellement grave pour le patient. En cas de doute, des tests nicotiniques ou le dosage de la cotinine urinaire sont disponibles pour dépister les fumeurs «masqués». Néanmoins, entant que patient, les bénéfices majeurs de l’arrêt du tabagisme avant la chirurgie doivent vous faire agir de façon raisonnée et sécuritaire pour votre santé.
Le tabagisme passif est encore mal évalué mais son rôle est indéniable, c’est pourquoi en prévision d’une chirurgie, il convient d’éviter les lieux qui vous amènent à côtoyer des fumeurs.
aide au sevrage
L’ évaluation de la dépendance est un préalable indispensable avant un éventuel arrêt de la consommation de tabac. Plusieurs types d’aides au sevrage existent. On retrouve des aides non médicamenteuses, psychologiques (thérapies comportementales et cognitives) ou les assistances téléphoniques (Tabac-lnfo-Service 3989) mais aussi des aides médicamenteuses, telles que les substituts niconitiques ou le Bupropion®. Enfin, il existe aussi des thérapeutiques moins conventionnelles telles que l’homéopathie, l’hypnothérapie ou l’acupuncture.
Le sevrage tabagique peut être réalisé de manière immédiate, ou progressivement par diminution du nombre de cigarettes journalières. li semblerait que les deux stratégies soient équivalentes en termes de réussite.
La période préopératoire est identifiée comme un moment où la motivation du fumeur pour arrêter son intoxication est élevée et constitue donc une opportunité très favorable pour l’accompagner dans cette démarche («teachable moment»).
Le tabagisme est un problème de santé publique. Les données scientifiques sont, à l’heure actuelle, unanimes quant aux effets néfastes de la consommation tabagique dans les semaines entourant une chirurgie. Ces effets sont multiples et peuvent entrainer des complications cicatricielles majeures, des échecs de la chirurgie et favoriser l’infection. Pour les interventions comportant un décollement sous-cutané, le tabac peut ainsi être à l’origine de graves complications cutanées. Hormis les risques en lien avec le geste chirurgical, le tabac peut être responsable de complications respiratoires ou cardiaques durant l’anesthésie.
Dans cette optique, la communauté des chirurgiens plasticiens s’accorde sur une demande d’arrêt complet du tabac au moins un avant l’intervention puis jusqu’à cicatrisation (en général 15 jours après l’intervention).La cigarette électronique doit être considérée de la même manière.
Si vous fumez, parlez-en à votre chirurgien et à votre anesthésiste. Une prescription de substitut nicotinique pourra ainsi vous être proposée. Vous pouvez également obtenir de l’aide auprès deTabac-lnfo-Service (3989) pour vous orienter vers un sevrage tabagique ou être aidé par un tabacologue.
Le jour de l’intervention, au moindre doute, un test de dépistage pourrait vous être demandé et encas de positivité, l’intervention pourrait être annulée par le chirurgien.
L’ensemble de ces propos est évidemment à pondérer si nous nous trouvons dans une situation d’urgence.
Tels sont les éléments d1nformation que nous souhaitions vous apporter en complément à la consultation. Nous vous conseillons de conserver ce document, de le relire après la consultation et d’y réfléchir «à tête reposée». Cette réflexion suscitera peut-être de nouvelles questions, pour lesquelles vous attendrez des informations complémentaires. Nous sommes à votre disposition pour en reparler au cours d’une prochaine consultation, ou bien par téléphone.